Une commode du château de Bellevue préemptée par Versailles / Le style transition

 

 

Le 27 juin dernier, le Musée national du château de Versailles a préempté pour 350 000 € (frais inclus) une importante commode d’époque transition provenant du château de Bellevue, dans la vente Mathias-Ribeyre Baron. Elle porte la marque au feu du château de Bellevue avec le numéro d’inventaire 118.

 

commode joubert bellevue

 

 

Gilles Joubert (1689-1775), Commode, 1770.Bois précieux, ivoire, bronze, marbre - 90 x 47 x 65 cm. Versailles, Musée national du château (préemption le 27/6/14). Photo : Mathias-Ribeyre Baron

 

 

Ce meuble avait été livré par l’ébéniste Joubert en 1770, pour la chambre de Mme Adélaïde. Celle-ci se trouvait dans le château de Bellevue, qui avait été offert par Louis XV à Madame de Pompadour puis à ses filles.

Gilles Joubert (1689-1775), nommé « ébéniste du roi » à 74 ans, fut fournisseur de la Couronne dès 1748. Il produisit  un très grand nombre de meubles (pas moins de 2200 entre 1763 et 1773, dont plus de cinq-cent commodes) ce qui l’amena parfois à sous-traiter à d’autres ébénistes. (Cette commode livrée par Joubert pourrait être attribuée selon certains spécialistes à RVLC, c’est-à-dire l’ébéniste Roger van der Cruse).

La commode acquise par Versailles présente en son milieu un décor de ruines en marqueterie, ainsi qu’un décor de rosettes de bronze que l’on rertrouve, assez proche, sur d’autre meubles de Joubert, par exemple au Getty ou au Victoria & Albert Museum.

 

 

 

Le style Transition correspond à la première partie du style Louis XVI, il fait la transition entre l'originalité du style Louis XV, et le retour à l'inspiration classique du style Louis XVI. On le situe généralement de 1750 à 1774.

A cette époque, on redécouvre l'Antiquité en mettant au jour les vestiges d’Herculanum (1738) et de Pompéi en 1748. Les fouilles menées influencent nettement l'architecture et le décor intérieur.

Le style transition naît sous l'impulsion d'architectes novateurs qui voulaient se démarquer du Louis XV et des excès de certains ornemanistes par l'abus de courbes, en revenant  à la rigueur et à la symétrie inspirées du monde gréco-romain.

En 1758, le collectionneur avant-gardiste Ange-Laurent de la Live de Jully commande à l'architecte Louis-Joseph le Lorain une série de meubles (visibles de nos jours au château de Chantilly) qui tranche avec le goût de l'époque. Le style transition est, comme son nom l'indique, un style de recherche esthétique qui marquera l'évolution du Louis XV au Louis XVI.

Le mobilier Transition est appelé à l'époque "dans le goût grec".

Les découvertes d’Herculanum (1738) et de Pompéi (1748), poussent les élites à se passionner pour les civilisations antiques et contribuent à créer un nouveau style plus épuré, en abandonnant les excès du rococo du style Louis XV.

Les meubles se font plus architecturés, les formes se raidissent, on se remet à employer de l'ébène et des bronzes d'inspiration antique comme sur les meubles de Boulle. Le galbe est abandonné, mais les côtés sont encore parfois cintrés.

Concernant l’ornementation, les bronzes d'inspiration antique se retrouvent sur les pieds des meubles et représentent des figures humaines, des couronnes de laurier, des postes, des rinceaux, des cannelures, des trophées, des masques d'animaux...

 La marqueterie continue à s'imposer. On retrouve les mêmes bouquets de fleurs, mais qui sont concurrencés par des frisages géométriques.

 La commode est un meuble qui a beaucoup de succès à cette époque. Parmi les nouveaux meubles, on peut citer : le bureau style transitoire, les bureaux dos d'âne, à cylindre et à lattes, les secrétaires à abattant, le Bonheur du Jour Bureau à cylindre.

commode schlichtigCommode en placage de bois de rose, amarante, filets d'amarante  et cubes en sycomore. France, époque transition LXV – LXVI. Estampillée de J. G Schlichtig (maitre en 1765). estampillée sur le montant arrière gauche. Galerie La Tour Camoufle.

Ébénistes représentatifs du style:

P. Garnier, maître en 1742

Cl. Ch. Saunier, maître en 1752

R. Dubois, maître en 1755, on lui attribue l'invention du « Bonheur du jour »

 Nicolas Petit (1732-1791), maître en 1761

 Léonard Boudin, maître en 1761, à qui on attribue l'invention du bureau à cylindre

J.G. Schlichtig, maître en 1765

Jean-Henri Riesener, maître en 1768, né en Allemagne, il vient en France et est l'élève d'Oeben, se fût le plus grand ébéniste de l'époque, qui continuera son activité surtout sous le Style Louis XVI

Johannes Äbersold, maître en 1780, né à Berne et élevé à Paris